
Renforcer le droit à la réparation au Canada pourrait le protéger contre les tarifs américains et l’incertitude commerciale.
The Conversation
By Anthony D Rosborough
9 February 2025
L’économie canadienne repose depuis longtemps sur le commerce ouvert et les chaînes d’approvisionnement transfrontalières, mais à mesure que les menaces tarifaires et le protectionnisme du marché augmentent aux États-Unis sous la présidence de Donald Trump, les vulnérabilités économiques du Canada augmentent également.
Bien que le risque d’une guerre commerciale entre le Canada et les États-Unis ait été temporairement apaisé, Trump ayant déclaré qu’il retarderait l’imposition de tarifs douaniers pendant au moins 30 jours, la menace demeure importante.
Que se passe-t-il lorsque des importations cruciales – machines agricoles, appareils médicaux, appareils électroménagers – deviennent plus difficiles d’accès ou plus chères ?
La crise actuelle a révélé de profondes faiblesses et dépendances au sein de l’économie canadienne. En 2023, 77 % des exportations canadiennes étaient destinées aux États-Unis, tandis que près de la moitié de ses importations provenaient de son voisin du sud. Pendant des décennies, cette interdépendance a été considérée comme un succès diplomatique, mais il est désormais clair qu’elle s’accompagnait également de risques et de vulnérabilités.
Les dirigeants politiques de tous les partis reconnaissent que le Canada a besoin d’un plan pour renforcer sa résilience économique. Cela nécessitera de renforcer le secteur manufacturier national, d’accroître la diversification des échanges commerciaux et de nouer de nouvelles alliances diplomatiques et économiques. Mais ce plan doit également développer la résilience de la main-d’œuvre, les capacités nationales et l’innovation ici même au pays.
La solution consiste à renforcer le droit des Canadiens à réparer les produits et les appareils dont ils dépendent. Le droit à la réparation n’est pas seulement une question de durabilité environnementale, c’est aussi une question de résilience économique. Il peut accroître le nombre d’emplois bien rémunérés au Canada et réduire la dépendance du pays à l’égard des marchés mondiaux imprévisibles.
Le droit à la réparation
Le mouvement pour le droit à la réparation vise à garantir que les consommateurs, les entreprises et les réparateurs indépendants aient accès aux pièces, outils, informations et logiciels nécessaires pour réparer et entretenir les produits, appareils et technologies essentiels.
Cela concerne non seulement les smartphones que nous avons dans nos poches et les voitures que nous utilisons pour aller au travail, mais aussi les machines qui récoltent nos aliments et les appareils médicaux sur lesquels les hôpitaux comptent pour sauver des vies.
Actuellement, une grande partie de ces équipements sont importés ou dépendent fortement de composants importés. Le secteur agricole canadien, par exemple, dépend fortement des importations de machines des États-Unis pour maintenir sa productivité et sa sécurité alimentaire. Ces machines sont notoirement difficiles à réparer en raison de restrictions juridiques et techniques. L’industrie canadienne des équipements agricoles est confrontée aux mêmes défis que les réparateurs indépendants.
Un ingénieur de maintenance vérifie un scanner CT. (Shutterstock)
Le secteur de la santé est également vulnérable. Le Canada importe 70 % de ses appareils médicaux, dont près de la moitié provient des États-Unis. Tout comme ceux qui entretiennent (ou utilisent) des équipements agricoles, les ingénieurs biomédicaux du Canada sont confrontés à une série d’obstacles techniques, juridiques et commerciaux pour maintenir les appareils en ligne, ce qui les pousse à conclure des contrats de service exclusifs pour assurer le bon fonctionnement des appareils.
Les appareils grand public et les appareils électroménagers sont également importés en grande quantité au Canada, ce qui les rend vulnérables aux tarifs douaniers et aux barrières commerciales, ce qui risque d’aggraver la crise du coût de la vie au Canada.
Un chemin vers la résilience économique
Le mouvement pour le droit à la réparation offre au Canada un moyen de réduire à la fois ses vulnérabilités économiques et sa dépendance vis-à-vis des États-Unis.
Prolonger la durée de vie des produits est essentiel non seulement pour la durabilité environnementale et la réduction des déchets, mais aussi pour renforcer l’économie. Cela peut également aider les communautés à être plus résilientes en soutenant les entreprises locales, en créant des emplois et en augmentant la productivité.
Le Canada a fait des progrès considérables dans la promotion du droit à la réparation au cours des dernières années. Le projet de loi C-59 a apporté des modifications à la Loi sur la concurrence visant à réprimer le refus des fabricants de fournir aux entreprises indépendantes les pièces, les outils et les renseignements nécessaires à la réparation.
Et, en 2024, le Canada a modifié sa Loi sur le droit d’auteur pour permettre aux réparateurs de briser les verrous numériques utilisés par les fabricants de biens numériques pour restreindre l’accès aux informations de réparation et de diagnostic.
Mais ce ne sont là que les premières étapes d’un véritable droit à la réparation. Il reste encore beaucoup à faire pour soutenir le droit à la réparation au Canada.
Les gouvernements doivent prendre des mesures
Les provinces canadiennes doivent renforcer les lois sur la protection des consommateurs afin d’interdire l’obsolescence programmée et d’obliger les fabricants à fournir l’accès aux ressources de réparation essentielles.
Les provinces devraient également empêcher les fabricants d’annuler les garanties sur les produits et les appareils réparés en dehors des réseaux autorisés. Le Québec a joué un rôle de premier plan dans ce domaine, mais la coordination interprovinciale sera cruciale à l’avenir.
Prolonger la durée de vie des produits est essentiel non seulement pour la durabilité environnementale et la réduction des déchets, mais aussi pour renforcer l’économie. (Shutterstock)
Le gouvernement fédéral doit également réglementer les restrictions de réparation dans les secteurs technologiques critiques comme l’agriculture et la santé en élaborant des normes techniques et des exigences minimales de réparabilité pour les équipements et les appareils achetés dans le cadre de marchés publics.
Le Canada a également besoin que le gouvernement fédéral fasse preuve de leadership en adoptant un indice de réparabilité, qui classerait les produits et les appareils en fonction de leur facilité de réparation. Une telle initiative fournirait aux consommateurs les informations dont ils ont besoin pour prendre des décisions d’achat éclairées.
Promouvoir le droit à la réparation est une mesure politique gratuite qui renforcera l’économie canadienne à une époque d’incertitude commerciale. Contrairement aux programmes de subventions ou aux plans de sauvetage de l’industrie, la législation sur le droit à la réparation se concentre sur les consommateurs et les entreprises indépendantes.
En permettant aux travailleurs et aux entreprises de réparer plutôt que de remplacer, le Canada peut maximiser la valeur des biens existants, réduire la dépendance à l’égard des chaînes d’approvisionnement mondiales volatiles et rendre le pays plus autosuffisant, tout cela sans dépenses publiques supplémentaires.
Source: https://theconversation.com/bolstering-canadas-right-to-repair-could-shield-it-against-u-s-tariffs-and-trade-uncertainty-248970