Les tarifs douaniers imposés par le président américain Donald Trump au Canada et au Mexique pourraient avoir de graves répercussions sur les économies des deux pays, ralentissant potentiellement la production de certains biens, augmentant les prix des produits et suscitant des craintes de récession, avertissent les analystes.

Les États-Unis ont imposé mardi des droits de douane de 25 % sur les importations en provenance de leurs deux voisins, ainsi qu’une taxe de 10 % sur l’énergie canadienne.

Bien que les deux pays aient également prévenu qu’ils imposeraient des droits de douane réciproques qui affecteraient l’économie américaine, le Canada et le Mexique risquent de perdre bien plus, car ils dépendent fortement des États-Unis pour leurs échanges commerciaux. Les États-Unis sont considérés comme leur principal marché d’exportation.

L’an dernier, le Mexique a exporté environ 505 milliards de dollars vers les États-Unis, soit environ 30 % de son PIB, tandis que le Canada en a exporté plus de 412 milliards de dollars, soit environ 20 % de son PIB. Parallèlement, les exportations américaines vers le Canada ont été évaluées à 349 milliards de dollars l’an dernier, soit un peu plus de 1 % du PIB américain. De même, les exportations de biens vers le Mexique ont atteint environ 334 milliards de dollars, soit également environ 1 % de son PIB.

Impact sur le Canada

Les secteurs canadiens de la construction automobile et de l’énergie seront parmi les plus touchés, a déclaré Drew Fagan, professeur à la Munk School of Global Affairs and Public Policy de l’Université de Toronto.

Selon le Bureau du recensement des États-Unis, environ 185 milliards de dollars de biens dans ces secteurs sont importés aux États-Unis en provenance du Canada.

Après l’entrée en vigueur des tarifs douaniers, les constructeurs automobiles canadiens seront contraints de payer des taxes plus élevées pour exporter des voitures et des pièces détachées vers les États-Unis. Cela pourrait les contraindre à suspendre temporairement leur production le temps de trouver une solution pour compenser ces coûts, a déclaré M. Fagan à CNN.

Les producteurs pourraient alors décider de répercuter ces coûts sur les consommateurs, ce qui pourrait conduire à l’inflation, a-t-il averti.

« S’il s’agit d’un tarif de 25 %, c’est bien plus important que le profit. Donc, à un moment donné, très rapidement, à moins de pouvoir répercuter ces coûts sur les consommateurs, il n’est finalement plus rentable de continuer à produire », a-t-il déclaré, avertissant qu’une pause dans la production pourrait également entraîner des pertes d’emplois.

Le Canada est également considéré comme le plus important fournisseur d’énergie des États-Unis. En 2023, selon le gouvernement canadien, il a fourni environ 60 % des importations de pétrole brut, 85 % des importations d’électricité et 99 % des importations de gaz naturel des États-Unis. La valeur de ces trois sources s’élève à environ 100 milliards de dollars, selon le Bureau du recensement des États-Unis, le pétrole brut représentant la grande majorité de cette somme.

Si les tarifs devaient perturber la chaîne d’approvisionnement énergétique, le Canada en ressentirait davantage l’impact que les États-Unis, étant donné que son principal client est les États-Unis, alors que ces derniers ont davantage d’options parmi lesquelles choisir.

« L’impact sur nous, il faut l’admettre, sera plus important que celui sur les États-Unis », a déclaré Fagan à CNN, ajoutant : « Vous ajoutez un tarif de 25 % sur la plupart de ces produits… et cela aura immédiatement un impact en termes de réduction ou d’élimination des importations brutes, ce qui pourrait entraîner l’économie dans une récession. »

Le premier ministre canadien Justin Trudeau a reconnu que la guerre commerciale allait nuire aux travailleurs canadiens, déclarant : « Ce sera difficile. » Lors d’une conférence de presse mardi, il a promis un soutien gouvernemental aux entreprises pour tenter d’en atténuer l’impact.

Impact sur le Mexique

Comme au Canada, l’industrie automobile mexicaine est étroitement liée à celle des États-Unis et dépend fortement des consommateurs américains.

Selon le ministère du Commerce, les États-Unis ont importé pour 87 milliards de dollars de véhicules automobiles et pour 64 milliards de dollars de pièces détachées automobiles en provenance du Mexique l’année dernière, hors décembre.

Les tarifs douaniers rendraient ces produits plus chers pour les consommateurs américains, à tel point que les Américains pourraient cesser d’acheter au Mexique, ce qui pourrait par la suite affecter l’économie mexicaine, a déclaré Jason Marczak, vice-président et directeur principal du Centre d’Amérique latine Adrienne Arsht de l’Atlantic Council.

« Si les consommateurs américains n’achètent pas autant de produits fabriqués au Mexique, cela pourrait entraîner des pertes d’emplois au Mexique », a déclaré Marczak à CNN.

La présidente mexicaine, Claudia Sheinbaum, a déclaré mardi matin que son pays chercherait à attirer des investissements étrangers. « Si la question des droits de douane se consolide, une évaluation importante de la diversification géographique de l’économie mexicaine devra être réalisée », a-t-elle déclaré.

Marczak a déclaré que l’économie mexicaine est tellement dépendante des États-Unis qu’il est difficile de trouver des partenaires commerciaux alternatifs.

Bien que le Mexique ait récemment conclu un accord avec l’Union européenne pour diversifier ses relations commerciales, Marczak a déclaré que le Mexique et les États-Unis sont toujours liés par leurs accords de libre-échange, ce qui rend difficile pour le Mexique d’éviter les impacts négatifs des tarifs américains.

Comment le Mexique et le Canada pourraient réagir

Trudeau a déclaré mardi que le Canada riposterait en imposant ses propres taxes. Il prévoit imposer des droits de douane de 25 % sur 155 milliards de dollars canadiens de marchandises américaines au cours du mois prochain, dont 30 milliards de dollars canadiens entreront en vigueur immédiatement.

Sheinbaum a déclaré que son pays riposterait également par des droits de douane et d’autres mesures non tarifaires, qu’elle devrait annoncer dimanche. Elle n’a pas fourni de détails.

Toutefois, ces mesures de rétorsion auront des conséquences négatives supplémentaires sur les trois économies, a souligné Marczak.

À l’avenir, les deux pays devront déterminer s’ils peuvent supporter ces impacts ou s’adapter pour répondre aux exigences de Trump.

Trudeau a déclaré mardi que son pays travaillerait avec le Mexique pour trouver de nouvelles façons de gérer les tarifs douaniers.

Source: https://edition.cnn.com/2025/03/04/americas/trump-tariffs-mexico-canada-recession-intl-latam/index.html